Flushing Meadows, septembre 1995. Sur le papier, encore une finale Graf – Sabatini : on pensait avoir tout vu du duel germano-argentin. Steffi Graf, future collectionneuse de records et visage du tennis-bulldozer, affronte Gabriela Sabatini, reine du revers à une main, au look d’icône et au charisme qui faisait fondre les gradins américains. Sabatini, outsider éternelle mais favorite des tribunes, n’est pas là pour la figuration. Entre coups droits claquants et volées désespérées, chaque échange sent la poudre et l’élégance désinvolte.
Après un premier set expédié (6-3), Graf croit avoir fait plier le suspense. Mauvais calcul : emmenée par un public tout acquis à sa cause, Sabatini dégaine son panache, enchaîne les montées au filet et s’offre la deuxième manche (3-6) sous une ovation new-yorkaise qui aimerait, juste une fois, voir la poésie l’emporter sur la machine. Mais au troisième set, l’Allemande revient les crocs dehors, impose ses courses et ses frappes chirurgicales : 6-1, rideau pour Sabatini, standing ovation pour une finaliste qui n’a perdu ni son sourire, ni l’estime du Central.
Steffi Graf, stoïque et méthodique, soulève ici son 18e Grand Chelem : quasi indifférente à la liesse qui entoure Sabatini, la patronne clôt les débats avec la froideur d’une gagnante programmée. Pendant ce temps-là, Gabriela s’offre les honneurs du public, saluée comme l’éternelle artiste du court, celle pour qui même la défaite vaut ovation. À New York, on choisit ses héroïnes selon la grâce : mieux vaut un revers de Sabatini qu’un palmarès de Graf, la preuve par l’ovation.
Au final : technique sans états d’âme contre panache souriant, les années 90 sur un plateau. New York a perdu sa princesse, mais le circuit WTA a couronné son bourreau préféré. On retiendra que la popularité ne se mesure pas en trophées, et que Gabriela Sabatini reste la meilleure des battues, même quand l’histoire s’obstine à couronner l’évidence.