À 24 ans, Raffaele Costa Storti arrive à Grenoble avec un curriculum qui fait à la fois sourire et froncer les sourcils. L’ailier portugais arrive après « deux opérations au cœur de l’été » (épaule et genou) et une saison à seulement trois rencontres avec le Stade français. Pourtant, son dernier vrai exploit reste tangible : 21 essais avec Béziers en 2023-2024, record personnel et statistique qui ne demande pas l’avis des commentateurs. Il effectuera ses débuts grenoblois ce vendredi soir à Brive (21h). Le décor est planté, le suspense limité — Storti veut du temps de jeu et des espaces pour courir.
L’intégration a été plus barbecue qu’isolement. Lui-même admet avoir été « très bien accueilli » et s’étonne des invitations dès les premiers jours. José et Cody (Madeira et Thomas, internationaux portugais) l’ont aidé, il est « très ami avec José ». Le projet grenoblois l’a séduit pour ses ambitions et son style offensif : « un jeu très offensif avec une volonté de jouer à la main. Pour un ailier, c’est top. » On notera la franchise quand il évoque son passage à Paris : trois matchs seulement et « je pense juste que les entraîneurs préféraient les autres ailiers, c’est une décision. » Pas d’amertume virulente, plutôt une remise en ordre des priorités. Reprendre le plaisir, avoir du temps de jeu et, si nécessaire, que les essais arrivent « c’est tout bonus ». Quant à la finale et l’access match de Grenoble la saison dernière, il confesse avoir été « le premier supporter de Grenoble (rires) » — ce qui explique en partie son choix.
La partie humaine et la remise en forme pèsent autant que les statistiques. Storti a effectué une rééducation à Capbreton, y croisant d’autres champions comme Earvin Ngapeth et Léo Slemett. À propos de Ngapeth : « Il est très humble, il m’a très bien accueilli. C’est un mec top. » Plus sérieux, il évoque la difficulté mentale des blessures longues. Après avoir vécu sa première saison en Top 14 et des périodes d’absence, il reconnaît que « la vie d’un joueur professionnel, ce ne sont pas que de bons moments » et que « il faut se concentrer davantage sur la méthode et le cheminement que sur le résultat. » Sur la santé mentale, l’analyse est nette : « la santé mentale est encore taboue dans le rugby je trouve. » Le Stade français propose un psychologue ; Storti dit en avoir profité et avoir parlé avec sa famille et ses amis. Il lance aussi, avec Manuel Pinto Cardoso, un projet vidéo pour montrer la réalité du quotidien — récupération, alimentation, santé mentale — au-delà des images télévisées.
Reste l’essentiel et le plus simple : Grenoble parie sur un ailier qui a montré son efficacité en Pro D2 et qui veut retenter sa chance après une année tronquée. L’objectif affiché est limpide : « l’objectif, c’est d’être promus. » Les mots sont posés, les attentes aussi. Vendredi à Brive (21h), ce sera le premier chapitre d’un retour dont la promesse tient à la fois aux chiffres (21 essais), aux convalescences (épaule, genou) et à la volonté affichée. Désabusé ? Plutôt déterminé. Le public rédige déjà ses pronostics ; Storti, lui, prépare ses gammes.