Bethpage Black a été habillé en stade géant pour l’occasion, et pas timidement. Les gradins entourent fairways et greens comme des paquebots amarrés autour d’un village. Le chiffre fait sourire : 362 structures d’hospitalité et 5 000 voix prêtes à hurler. Le premier coup partira à 7h10, et nul doute que le silence du swing sera suivi d’un grondement digne d’une foule en colère — ou d’une file d’investisseurs repus. Le parcours, piégeux et scénique, compte 78 bunkers. Ces cratères attendent comme des ventres affamés, prêts à engloutir les espérances les moins soigneuses.
La confrontation conserve son scénario habituel : Europe contre États-Unis, revanche contre revanche. Les chiffres récents sont explicites. Whistling Straits a laissé un goût amer aux Européens (19-9), Rome aussi a fait son effet (16½-11½ pour les Américains) et la dernière victoire européenne outre-Atlantique remonte à Medinah en 2012. Luke Donald s’est reposé sur la même ossature : capitaine reconduit et 11 des 12 acteurs de Rome toujours là, Rasmus Hojgaard remplaçant Nicolai. Côté statistiques brutes, la moyenne mondiale pèse en faveur des Américains (11,2 contre 23,7 pour l’Europe) ; les victoires sur le PGA Tour penchent aussi (13 pour les États-Unis, dont une en double pour Ben Griffin et 6 pour Scottie Scheffler, contre 9 pour l’Europe). Le récit financier a sa part de farce : Patrick Cantlay a relancé la discussion sur la rémunération ; la délégation américaine touchera une indemnité totale de 500 000 dollars, 300 000 étant reversés à des associations. Scottie Scheffler a, selon l’article, gagné 55 fois plus cette saison — statistique qui replace tout débat salarial dans une autre galaxie. Les billets à 750 dollars la journée et la pinte à 15 dollars promettent un public trié sur le volet, comme l’a souligné Thomas Levet ; Paul McGinley, quant à lui, a rappelé que la foule a souvent eu raison du moral européen lors des dernières sorties à l’extérieur.
Les préparations montrent combien la psychologie pèse. Luke Donald a prononcé que « nous sommes motivés par quelque chose que l’argent ne peut acheter », formule bien choisie pour la tribune d’ouverture. Les Européens ont même essayé la réalité virtuelle pour recréer les beuglements et les insultes, pratique moderne du stoïcisme sportif. Le facteur « public new-yorkais » reste incertain : certains attendent des hordes, d’autres ne voient que spectateurs sages, veste pliée et carte de crédit prête. Donald Trump est annoncé sur le parcours Noir, ce qui ajoutera une couche de facteur sécurité à la logistique déjà saturée. Pour suivre la bataille en direct, Journal du Golf TV propose une Fan Zone à des heures précises, au cas où vous préfériez le confort d’un canapé aux tribunes bondées.
La Ryder Cup garde son goût d’antique rituel, entre ferveur et calculs froids. Les éléments techniques sont connus, la mise en scène aussi, et la vraie inconnue demeure immuable : la foule et les lancers de destin. Reste à voir si l’Europe brisera la série de victoires locales ou si les Américains continueront à transformer l’énergie du lieu en points. En attendant le coup final, on se contente de popcorn, d’un peu d’ironie et d’un soupçon de résignation — le spectacle a déjà commencé, et il promet de ne pas être poli.