La scène était presque cérémonielle : treize joueurs en tenue pour la journée médias de l’Euroligue. Pierric Poupet s’en est félicité sans fard : « C’est difficile de l’extérieur de se rendre compte des défis qu’on a eu à l’intersaison. Par rapport à nos moyens, nos contraintes, je suis satisfait d’avoir bâti une équipe de 13 joueurs ». L’ironie saute aux yeux quand on rappelle que la saison peut s’étirer jusqu’à près de 90 matches, Euroligue incluse (38 journées). Le chiffre treize tient donc à la fois du porte-bonheur et du pari risqué. Le rendez-vous contre Nancy dimanche soir n’aura rien d’anecdotique : il lance une campagne où chaque blessure ou baisse de forme comptera double.
Le nerf de la guerre n’a pas disparu : la masse salariale prévisionnelle est, selon nos informations, de 4,6 millions d’euros. Pour situer le fossé, Paris affiche 8 millions et Monaco 20,1 millions, alimenté par Alexey Fedorychev et FedCom. Le club aux 21 titres de champion n’est plus le mastodonte financier d’autrefois. Reste le vestiaire : le brassard revient à David Lighty (36 ans) et huit Tricolores figurent dans l’effectif, sans compter Mbaye Ndiaye sous statut JFL. Poupet n’a pas feint l’idéologie : « Je fais abstraction des nationalités, mais évidemment, ça fait plaisir de mettre des Français en avant, de leur donner une opportunité de se développer ». Tony Parker assume la volonté de privilégier du local. Adam Atamna a 17 ans et reste le benjamin qu’on veut garder pour voir si le cocon Asvel transforme encore des jeunes en valeurs ajoutées, comme Théo Maledon, Guerschon Yabusele ou Elie Okobo avant lui. Bodian Massa, de retour de Liga, n’a pas masqué sa quête de stabilité : « C’était important de revenir France, de retrouver des bonnes bases et de la confiance ». Pendant ce temps, Thomas Heurtel, recruté en fin de marché, attend encore d’être apte.
Les vétérans devront faire plus que poser leur nom sur la feuille. Lighty, Nando De Colo et Edwin Jackson sont attendus pour le leadership et la transmission. Poupet le formule sans menuets : « La transmission aux plus jeunes pour rester stable quand ça ira moins bien et rester humble si ça nous sourit ». De Colo, promu sur le banc en janvier 2024 avant de revenir au cœur du jeu, entame sa 20e saison professionnelle et reste décrit comme « très important », surtout en l’absence temporaire d’Heurtel. Le discours du coach jongle entre prudence et désir de revanche : « On a le poids de l’histoire, l’Asvel a habitué les gens à gagner. On doit garder ce standing, on ne baisse pas les ambitions ». Les concurrents ne dorment pas — Paris et Monaco en tête, suivis de structures solides comme Le Mans ou Bourg-en-Bresse — et Asvel joue à la fois contre le chrono et contre sa propre balance financière.
Finalement, la saison s’annonce comme un numéro d’équilibriste. On conserve les cadres, on prêche la formation locale et l’expérience, et on espère que l’histoire suffira quand les ressources manquent. En attendant, treize silhouettes alignées pour les caméras disent surtout que l’Asvel compte sur du vécu et quelques paris internes pour masquer un vrai déficit de moyens. À voir si cela bastionnera ou si le château tiendra sur ses seules pierres d’antan.