Sacré dès sa première saison et vanté pour un « jeu flamboyant », Laurent Blanc n’aura pas eu le luxe d’une courbe de rédemption. Al Ittihad l’a remercié après deux revers successifs contre Al Nassr — Supercoupe 1-2 mi-août puis le choc de la 4e journée 0-2 vendredi — et alors que le club pointait 3e après quatre rencontres, après avoir enchaîné trois victoires lors de ses trois premières sorties. Officiellement, le communiqué a salué «les efforts fournis» et souhaité «plein succès» au champion du monde 1998. En coulisses, plusieurs griefs pesaient : défaites en amicaux contre Fulham (2-4) et Fenerbahçe (0-4), critiques sur l’animation défensive et l’arrivée d’un président, Fawz Sandi, désireux de laisser sa marque. Le cocktail a suffi.
La brutalité de la décision ne surprend que ceux qui lisent le championnat saoudien comme un roman à fin douce. Après Nuno Espírito Santo en 2023 et Marcelo Gallardo en 2024, Blanc rejoint une série où la moyenne de survie d’un entraîneur étranger tourne autour de six à huit mois. Le constat n’est pas anecdotique : la Roshn Saudi League, présentée comme vitrine de la Vision 2030, privilégie l’image et les résultats immédiats. Blanc lui-même avait semé un doute précoce en déclarant en mai «Je ne sais pas si je resterai à Al Ittihad la saison prochaine», phrase que ses dirigeants ont visiblement cochée et ressortie au premier faux pas. Pour assurer la transition, l’intérim sera confié à Hassan Khalifa et à l’Espagnol Ivan Carrasco, deux membres de son staff. La presse locale évoque déjà Sérgio Conceição comme piste prioritaire pour relancer Karim Benzema et ses coéquipiers, eux-mêmes battus lors du grand retour en Ligue des Champions par Al Wahda (2-1) mi-septembre.
La leçon, si le mot n’est pas trop grand, tient en peu de lignes : un titre national ne vaut plus couverture. Les revers de préparation, une charnière défensive pointée du doigt et l’arrivée d’une nouvelle direction valent désormais plus qu’une saison couronnée. Si Ruben Amorim, cité en comparaison, obtient encore la confiance à Manchester United après 17 défaites en dix mois, Al Ittihad a préféré l’expédition. Le championnat saoudien fonctionne au rythme des impatiences présidentielles et de la visibilité immédiate. Reste à savoir si la rapidité des ajustements produira quelque chose de plus durable que la succession d’annonces et de commisérations officielles. Les clubs qui conçoivent la stabilité comme un luxe ont choisi leur modèle ; pour les entraîneurs, la montre tourne plus vite qu’on l’imaginait .