New York, septembre 2001. Quand Pete Sampras croise Andre Agassi en quart de finale de l’US Open, la météo ne prévoit pas de tempête, mais c’est bien un ouragan de revers en fulgurance et de services millimétrés qui s’abat sur le Arthur-Ashe. D’un côté, Sampras, apôtre du service-volée, aussi expressif qu’un tupperware vendu à l’unité. De l’autre, Agassi, l’homme qui peut transformer une brique en balle de match, retourneur flamboyant et tête d’affiche pour scalp en difficulté. Résultat : aucun break en presque quatre heures, du sang-froid à faire pâlir une patinoire, et des spectateurs qui cherchent encore comment on peut servir 24 fois d’affilée sous pression sans qu’un cheveu ne bouge.
Le suspense ? Proprement honteux : pas un jeu de service subtilisé à l’adversaire, un festival de tie-breaks—quatre d’affilée, record du tournoi. Agassi prend le premier, Sampras les trois suivants : 6-7, 7-6, 7-6, 7-6. Ni les passings rageurs d’Agassi, ni les retours de l’espace n’ont suffi à fissurer la cuirasse du Californien, qui a fonctionné en mode Terminator des années 90 : la balle tombe dans le carré, le point est pour lui. Chez Agassi, déterminé et offensif, les rallies s’enchaînent, les spectateurs poussent, rêvent du feu, mais la glace ne fond pas.
L’ambiance sur le Central vire à la guerre froide. Sampras, stoïque, n’offre aucun espoir, pas même celui d’une double faute pour divertir le public new-yorkais. Agassi lui, multiplie les grimaces et fait durer le plaisir, mais doit se rendre à l’évidence : ce match a été conçu pour les amoureux de la tension silencieuse, pas pour les aficionados des breaks de service. Les coups passent, l’histoire se tisse, et le héros capillairement stable finit par s’imposer sans perdre le moindre cheveu… pour une fois.
Au final, cette nuit blanche pour insomniaques et amateurs d’orthodoxie tennistique résume la rivalité Sampras–Agassi : deux mondes, deux approches, aucune pitié, et un tableau d’affichage aussi vide de breaks que le bar d’un open australien à midi. Ou comment livrer un chef-d’œuvre d’intensité pure, sans rien casser — ni la raquette, ni la coiffure.