On a attendu onze ans pour que les Red Roses transforment leurs promesses en trophée. Battues en finale des deux éditions précédentes, elles ont finalement décroché un troisième sacre mondial — après 1994 et 2014 — en s’imposant 33-13 face au Canada, samedi, devant un Allianz Stadium à guichets fermés. Le scénario n’avait rien d’un thriller: l’Angleterre a assumé son statut de favorite et étouffé l’adversaire par la justesse et l’opportunisme, ponctués par les transformations de Zoe Harrison pendant la première période.
Le match a pourtant commencé comme une plaisanterie pour les locales. Asia Hogan‑Rochester a surpris tout le monde dès la 5e minute avec un essai non transformé. Rapidement, la différence de niveau est ressortie: trois essais pour l’Angleterre avant la demi‑heure, tous validés par Harrison. L’appel vidéo a rappelé qu’on ne peut pas tout avoir; l’essai d’Amy Cokayne a été annulé pour obstruction après vérification. En deuxième période, Hogan‑Rochester a signé un doublé (53e) mais cela n’a pas suffi. Les Anglaises ont enfoncé le clou avec deux nouveaux essais (50e, 69e) et la messe a été dite.
Sur l’ensemble du tournoi, l’Angleterre n’a pas fait dans la demi‑mesure. Trois matchs de poules expédiés: 69-7 contre les États‑Unis, 92-3 contre les Samoa et 47-7 contre l’Australie. En quarts, les joueuses de John Mitchell ont battu l’Écosse 40-8, puis mis fin à l’espoir français 35-17 en demi‑finale — match durant lequel les Bleues ont malgré tout été « la meilleure résistance », selon le récit des faits. Le Canada, auteur d’une demi‑finale folle face aux Black Ferns (34-19), repart avec une seconde place qui vaut presque un exploit, d’autant que son budget reste « bien inférieur aux grosses équipes ». Les Néo‑Zélandaises, sextuples vainqueures et doubles tenantes du titre, ont pris la troisième place en battant la France 42-26, après leur surprise en demi‑finale contre le Canada.
L’organisation n’a pas raté sa promotion. Élargie à seize nations et disputée dans huit villes anglaises, cette édition a battu des records d’audience et commercialement tenu ses promesses. « Nous avons déjà dépassé nos objectifs de revenus commerciaux, avec de fortes ventes de billets , d’hospitalité et de sponsoring », affirmait Gil Whitehead, présidente de la compétition, avant même le coup d’envoi. Elle annonçait aussi que « la finale sera, nous en sommes très confiants, le match de rugby féminin le plus suivi de l’histoire… Je peux confirmer que la finale, à l’Allianz Stadium (Twickenham), se jouera à guichets fermés. » Le directeur général de World Rugby n’a pas résisté à l’optimisme marketing: « Les perceptions de notre sport sont remises en questions, évoluent. Nous sommes convaincus que le rugby masculin a une réelle opportunité de suivre l’exemple. »
L’Angleterre repart donc couronnée et attendue. Le public et les bilans financiers se frottent les mains. Reste à voir si cette dynamique se traduira par un changement structurel durable, ou si l’on refermera le chapitre des records le temps d’un été. Pour l’instant, la coupe est à Twickenham, le classement est clair, et le rugby féminin peut savourer — pendant que d’autres prennent des notes.