À 69 ans, Björn Borg a choisi d’imposer le silence aux habituels mythes du tennis en déposant des confessions nommées Hjärtslag. Publié jeudi 18 septembre par Little, Brown Book Group (304 pages, 29,99 dollars, non traduit), l’ouvrage revient sur des épisodes que l’on croyait réservés aux couloirs feutrés : une dépendance à la cocaïne débutée au Studio 54, un cancer de la prostate détecté en septembre 2023, et des souvenirs qui n’ont rien d’artistique. On lit ceci sans cligner : la première prise lui a donné « un coup de fouet aussi fort que ce que le tennis m’avait donné autrefois ». Révélation nette, sans effet de manche.
Champion précoce devenu icône, Borg a quitté les courts en 1983 à 26 ans avec 64 titres ATP et 11 trophées du Grand Chelem (six Roland-Garros, cinq Wimbledon). Les faits restent impeccables, la nostalgie n’a pas besoin d’être enjolivée. La période la plus sombre, dit-il, s’installe à la fin des années 1980 à Milan, alors qu’il est marié à Loredana Bertè (1989-1992) : « Nous avions de mauvaises fréquentations et (…) la drogue et les pilules [étaient] à portée de main. Là, j’étais plongé dans les ténèbres les plus profondes. » Le ton n’est pas spectaculaire, il est résigné. Le récit tape encore plus près du corps avec l’épisode de 1996 : effondré sur un pont aux Pays-Bas avant un match vétéran, il se réveille à l’hôpital face à son père. « Il ne disait rien, c’était tellement embarrassant. (…) J’avais honte comme un chien », confie-t-il sur le plateau de Skavlan, chez SVT, lors de la sortie du livre.
La page santé mérite d’être lue comme un compte-rendu clinique plus qu’un panégyrique. Borg explique que le cancer de la prostate lui a été diagnostiqué alors qu’il était capitaine de l’équipe européenne de la Laver Cup en septembre 2023 — la Laver Cup étant organisée par Team 8, l’agence liée à Roger Federer — et souligne l’incertitude qui suit : « Le risque de propagation existe, et c’est quelque chose avec lequel je vais devoir vivre pendant un certain temps, dans l’angoisse de savoir, tous les six mois, si le cancer a été détecté à temps. » Fait notable : il affirme se porter bien aujourd’hui et faire du sport quotidiennement, même s’il n’a pas tapé la balle depuis six ans. Le contraste entre le corps actif et l’absence de raquette donne du relief à son récit.
Le Borg grand-père de sagesse s’autorise aussi des commentaires sur le tennis contemporain. Il admet « savoir que cela existe chez les juniors » en parlant du dopage, puis se montre dubitatif face au retour d’Umberto Ferrara auprès de Jannik Sinner — Ferrara avait été impliqué dans la suspension de trois mois du joueur en 2024 après des contrôles positifs à un anabolisant. Borg juge « très étrange » qu’un préparateur réintègre l’équipe après une telle affaire, sans prétendre en savoir davantage. Le dossier a déjà suscité des voix publiques, Novak Djokovic et Nick Kyrgios ayant critiqué le retour de Ferrara et questionné l’équité des agences antidopage. Le livre n’apporte pas de verdict, il replace simplement ces éléments sur une table trop longtemps couverte de napperons.
Son autobiographie risque de faire du bruit dans le monde du tennis, et pas seulement parce qu’un nom immuable évoque des trophées. Entre aveux et constats, Borg livre un récit où le palmarès demeure intact tandis que l’homme se défait des apparences. Lecture utile pour qui veut entendre un champion sans la guitare d’accompagnement.