Jimmy Gressier a choisi la proximité familiale plutôt que l’isolement des stages à répétition. Après cinq ans passés à l’Insep, le double médaillé des Mondiaux — or sur 10 000 m, bronze sur 5 000 m — a confirmé à L’Équipe qu’il quittera l’institut dans les prochaines semaines pour retourner à Boulogne‑sur‑Mer. Il n’a pas sorti la langue de bois : « Le fait de partir pendant cinq ans, d’être tout le temps en stage, tu t’écartes un peu de ta famille, tu vois moins grandir tes proches, moins vieillir ton grand‑père. J’ai quand même encore envie de profiter de certains moments avec lui, avec ma mère. C’est pour ça aussi que j’ai envie de rentrer. » Belle formule. Sobre, presque domestique, et assez conséquente pour expliquer un départ au moment où l’on aurait attendu le contraire.
Sur le plan sportif, il n’entend pas perdre le fil. En poste à l’Insep sous la houlette d’Adrien Taouji — qualifié par lui de « le meilleur coach de France » — Gressier retourne à son premier entraîneur, Arnaud Dinielle. Il l’explique sans ritournelle : l’entraînement à distance « aurait été possible, en soi », mais « l’aventure se vit au quotidien » et il préfère reconstruire avec qui le connaît depuis le départ. Statistiquement, difficile de critiquer la suicide tactique : à 28 ans, il a offert à la délégation française les deux seules médailles des Mondiaux et a inscrit son nom dans l’histoire tricolore. Jamais un Français n’avait été titré sur 10 000 m en grands championnats ; il faut remonter aux Jeux de 1952 et à Alain Mimoun pour trouver un Tricolore médaillé sur 5 000 m comme sur 10 000 m. Gressier rejoint Eunice Barber (2003) et Christine Arron (2005) au petit club très fermé des Français ayant raflé deux médailles individuelles lors d’une même édition des Mondiaux. Le dernier sacre hexagonal avant lui ? Kevin Mayer, décathlon, Eugene 2022.
Il affirme que son choix « ne [se fait] pas pour la performance, vraiment. Je le fais pour la vie, pour ce que j’ai besoin de vivre en tant qu’homme. On s’arrête sur une bonne note. Peut‑être la meilleure de ma vie. » Pragmatique, il compte néanmoins rester dans la continuité de sa préparation : plus de kilométrage « bien fait », plus de contrôle avec l’âge. Le marathon flotte comme une option, annoncée sans précipitation — « Avant le titre de champion du monde, je me disais que j’allais commencer sur marathon. Mais ça ne voulait pas dire que j’allais devenir marathonien tout de suite… Si je fais un marathon, ça ne voudra pas dire que je serai marathonien mais c’est une direction. » Avec la maturité, confie‑t‑il, viennent plus de questions et plus de temps pour y répondre. Le résultat ? Un champion qui repart chez lui à la faveur d’un sommet sportif. Simple et un peu irritant pour ceux qui croient encore que la gloire exige l’exil.