Visage juvénile, mètre 69 sur la toise et déjà capable de commander un pack : voilà le genre de contradiction qui excite les commentateurs pressés. Valentin Hutteau a l’air d’un gamin, mais on lui prête des allures de pilier tactique. Bruno Ghiringhelli n’a pas beaucoup tourné autour du pot dans Le Parisien : « c’est un petit Antoine Dupont ». Phrase cliché ? Sans doute. Fait ? Oui : la comparaison est dans le texte et les yeux qui l’ont observé ne manquent ni de sérieux ni d’indulgence.
La trajectoire de ce jeune joueur est concise et tranchante. Dix-neuf minutes chez les seniors de Massy en Nationale, puis direction le Top 14. Début de saison remarqué : présent lors des trois premières journées, il a profité de 40 minutes contre Montauban pour inscrire son premier essai professionnel. Jefferson Poirot n’a pas résisté au panégyrique mesuré : surprenant pour son âge, mais moins une fois qu’on le côtoie. Le capitaine de l’UBB compare son assurance à celle de Baptiste Serin et Matthieu Jalibert dans leurs débuts, et relate l’anecdote : pendant son test en Gironde, « j’avais l’impression que c’était un jeune du club, je ne savais pas qu’il était en test ». Pas mal pour un gamin de 17 ans qui entre dans un vestiaire pro « sans complexe », comme le souligne Poirot.
Le contexte a aidé, évidemment sans jouer les casualties : l’absence de Maxime Lucu lui offre du temps de jeu. Lucu accompagne son développement, et Christophe Laussucq résume la méthode en deux phrases utiles : il n’a pas eu « beaucoup de temps pour gamberger » et s’est retrouvé vite sur le terrain. Résultat ? Un joueur décrit comme plaqueur, gratteur, franchisseur, rapide et dominant dans les impacts — la liste vient de la bouche du directeur sportif de Massy, encore lui. Ghiringhelli ajoute un point important : Hutteau a longtemps été « capable de faire gagner son équipe à lui tout seul en traversant le terrain ». L’oxymore du gamin tranquille qui pèse sur un match se fixe ainsi en statistique simple : participation aux trois premières journées, essai inscrit, titularisation ciblée à Paris contre le Stade Français décidée par Yannick Bru et son staff.
Les comparaisons fleurissent, parfois avec l’emphase propre au mercato médiatique. Antoine Dupont pour le profil, Serin pour le leadership et Jalibert pour l’insouciance : toutes ces références sont dans l’article et dans la bouche de ceux qui le côtoient. Jefferson Poirot tempère avec la prudence qu’on attend d’un vétéran : ne pas « comparer et le mettre sous pression », même s’il reconnaît le charisme naturel qui force le respect. À 18 ans ou en génération 2007, appelez-le comme vous voulez ; la réalité reste la même. Hutteau est un espoir marqué, il a savouré son premier essai pro et il est en train de réussir ses débuts chez les grands. Reste à voir si le monde du rugby saura célébrer ses qualités sans le transformer en produit d’exposition.