En début d’année, Pauline Ferrand-Prévôt se présentait comme une élève appliquée, étiquetée « encore des choses à apprendre ». Six mois plus tard, la réponse est courte : les doutes ont pris la porte. Sur les pavés menant à Roubaix et sur les routes du Tour de France, elle a triomphé. Onze ans après son sacre à Ponferrada, la voilà tête d’affiche d’un Mondial pour lequel elle s’est invitée tardivement. Paul Brousse, sélectionneur, ne cache pas ce que la presse feint d’oublier : « une équipe qui, sur le papier, est favorite ». La phrase tombe comme une évidence statistique, pas comme une prophétie.
Le feuilleton de sa présence à Kigali mérite un titre à part. Après le Tour de France, Brousse l’avait contactée : tête en jaune, corps fatigué, téléphone saturé. Deux jours de réflexion, puis un refus public. Une semaine plus tard, le programme officiel excluait encore le Mondial. Et puis l’envie — cette vilaine habitude de Pauline — a mordu les mollets. Le plan a changé : d’un collectif à plusieurs têtes, la physionomie de l’équipe a évolué vers un dispositif clair où Ferrand-Prévôt accepte d’assumer le rôle de leader. Brousse l’explique sans emphase : ils jouaient le collectif mais « on n’était pas encore sur un truc hyper précis… » La leader, elle, botte en touche quand on parle d’affect : « Il faut un bon entraîneur national et je pense qu’il est pas mal, donc ça va. » Traduction libre : le staff tient la feuille de route, elle garde le stress pour la course.
Sur le papier, tout est dressé pour un remake glorieux. La coureuse de 33 ans cumule quinze titres de championne du monde toutes disciplines confondues et a retravaillé son punch en privilégiant « des filières un peu plus courtes » ces trois dernières semaines. Le circuit rwandais n’est pas là pour faire joli : 164 km, onze tours, deux côtes à chaque passage et les pavés de Kimihurura prêts à user les cuisses au fil des répétitions. Elle compare l’ensemble à un Tour des Flandres ; les mots rassurent, mais Paul Brousse rappelle les autres paramètres qui peuvent rebattre les cartes — altitude, humidité, pollution — et annonce que « l’idée générale du « tout pour Pauline » à 100 %, ce ne sera pas le cas ». La décision finale sur la manière de courir tombera samedi matin, selon les nuits passées. Autrement dit : prudence, même pour une coureuse qui a déjà triomphé cet été.
Reste la troupe d’en face, qui n’a pas pris de notes en admirant les photos. Marlen Reusser revient dans l’équation après un forfait prématuré sur le dernier Tour de France. Demi Vollering nourrit sa frustration d’avoir terminé deuxième cet été. Kim Le Court, elle, arrive fort d’une prestation qui lui a valu trois jours en jaune en juillet et d’un profil de circuit qui lui convient. Pauline ne peut pas gagner seule — Brousse le sait et le répète — et l’équipe française dispose d’un noyau dur qu’il veut bâtir sur le long terme. L’idée d’un sacre au Rwanda n’est pas une simple coquetterie : c’est la conclusion possible d’une saison que l’intéressée a vue évoluer, déclinée, puis reprise en main. Si les éléments météo et l’accumulation de la saison ne jouent pas les trouble-fête, la question sera simple et brute : l’élève aura-t-elle passé tous ses examens ? Les paris sont ouverts, mais la feuille de marque penche dangereusement de son côté.