Le fil rouge du dernier Tour de France féminin n’était pas une échappée héroïque, mais la balance. Cédrine Kerbaol — ex‑maillot blanc 2023 et diplômée en diététique — a tiré la sonnette d’alarme sur les dangers de la perte de poids dans le peloton. Quelques jours plus tard, Kim Le Court confirmait la gravité du problème en parlant de l’absence de cycles menstruels liée à des restrictions énergétiques. Pauline Ferrand‑Prévot, elle, a gagné après une perte volontaire de quatre kilos. Admiration d’un côté, inquiétude de l’autre : le débat s’est transformé en évidence gênante.
À Kigali, l’UCI a décidé d’arrêter de regarder ailleurs. Le comité directeur a entériné les travaux de sa commission médicale pour encadrer et outiller les médecins d’équipes face au RED — le Déficit énergétique relatif dans le sport — condition qui concerne les athlètes masculins comme féminins. L’instance s’appuie désormais sur l’IOC REDs CAT2, l’outil de dépistage du Comité international olympique. Des questionnaires adaptés au cyclisme de compétition et une évaluation simplifiée des risques viendront compléter l’arsenal médical. Bref : des outils concrets, issus d’un recours externe, pour transformer un tabou en priorité médicale. Le message officiel est d’anticiper plutôt que de subir.
La vigilance ne se cantonne pas au bitume traditionnel. L’UCI a aussi validé un protocole de pesée inédit pour les compétitions de cyclisme esport organisées en présentiel. L’objectif annoncé consiste à bannir les pratiques de déshydratation volontaire, répandues pour afficher un poids plus faible, et à garantir une compétition équitable. Même le lymphœdème vulvaire — évoqué dans un titre relayé par la presse — sort du silence, preuve que la question de la santé intime devient difficile à ignorer. L’ensemble ressemble à une remise à plat méthodique : dépistage, questionnaires, pesées. Reste à voir si ces mesures seront appliquées avec la fermeté dont souffrent parfois les règlements quand ils quittent les conférences pour les parkings des courses.
On aurait aimé que la prévention précède les cris d’alarme. Les coureuses qui parlent, les victoires au prix de kilos perdus et les titres choc ont suffi à faire bouger une fédération. L’encadrement technique et médical se dote d’outils reconnus ; c’est un progrès indiscutable. Le scepticisme demeure sur la mise en œuvre et le contrôle, variables que l’on ne corrigera pas par des communiqués. La transformation d’une pratique dangereuse en problème médical prioritaire est lancée. Reste à espérer que, cette fois, ce soit plus qu’un tour de parole.