Mexico, 17 juin 1970, stade Azteca : pendant que certains rêvent d’azur ou de bratwurst, 102 000 spectateurs assistent à une demi-finale de Coupe du monde qui redéfinit la notion de « fatigue chronique ». Huit minutes après le coup d’envoi, l’Italie frappe par Boninsegna : catenaccio enclenché, la Squadra range le football champagne pour une animation PowerPoint côté défense. Les Allemands, eux, confondent vaillance et entêtement : Schnellinger égalise à la toute dernière minute, histoire d’offrir une prolongation aux masochistes du suspense.
Le cirque se déchaîne dès la 94e. Müller donne l’avantage à l’Allemagne. Burgnich remet les pendules à l’heure, Riva rend les Italiens euphoriques : tout ça pour voir Müller égaliser de la tête pendant qu’on repasse le ralenti du but à la télé mexicaine. Chacun défend mieux… en attaque. Rivera surgit, réussi l’impossible, et marque le 4-3 à la 111e. De l’autre côté, Beckenbauer joue les statues de marbre – épaule disloquée, bras en écharpe, mais orgueil intact. On a inventé la légende du « Kaiser » là où la médecine conseillait le repos forcé.
La Squadra exulte, rincée mais qualifiée pour la finale – hasard ou coïncidence, elle n’aura plus la moindre goutte de jus contre Pelé et compagnie. L’Allemagne, héroïque mais laminée, part décrocher une troisième place en ressassant l’image de son capitaine martyr. Les prolongations ? Quatre buts et trente biographies écrites dans l’urgence. Le football devient comédie humaine, tournoi d’apnée, rubrique nécrologique pour ligaments et espoirs.
En fin de compte, tout le monde descend de ce manège : les Italiens, les bras en l’air ; les Allemands, le bras en bandoulière. Cent vingt minutes gravées à jamais pour prouver qu’un demi-finale peut user les fantasmes, les muscles et les légendes. Le “match du siècle” : slogan facile, transpiration éternelle.