Il y a des soirs où tout le jeu d’une équipe tient dans les centres d’un seul joueur. Dimanche à Rennes, Florian Thauvin a pris ce rôle comme on prend une place au premier rang : sans demander la permission. Lens termine 0-0 mais repart avec un point acquis à dix pendant 93 minutes, après l’expulsion de Jonathan Gradit dès l’entame. Thauvin, arrivé cet été, a été nommé homme du match et pas seulement pour la légèreté de ses gestes. Ses centres au cordeau ont régulièrement mis le paquet rennais en difficulté. Brice Samba a d’abord contré une tentative de Matthieu Udol, puis le poteau lui a rendu service sur une tête d’Adrien Thomasson en seconde période. Résultat : une feuille de match sans but, mais beaucoup d’occasions nettes manquées et une impression très nette du poids technique du Lensois.
Le garçon ne cache pas ses ambitions. Plus de six ans après sa dernière sélection — dix capes, un but — Thauvin n’a pas abandonné l’idée d’une porte ouverte vers l’équipe de France. « C’est quelque chose qui se mérite. Après, ce n’est pas à moi de le dire. Je ne réserve pas de vacances, on verra », a-t-il lancé avec ce sourire qui se lit comme une promesse de travail. Le constat est simple : il a été le métronome de Lens à Rennes. Son influence ne se limite pas au dernier geste. Il a porté le jeu, maintenu l’équipe haut sur le terrain et empêché les Bretons, d’après le récit, d’installer un siège sur la surface lensoise.
L’entraîneur Pierre Sage a renchéri, sans surprise pour qui connaît le rôle d’un coach devant la presse : « C’est un homme des grands rendez-vous… je pense qu’il est capable de répondre très positivement à ce genre de scénario. » Le technicien a salué l’état d’esprit collectif qui a permis de ramener un point malgré l’infériorité numérique. Il assure qu’il aurait dit la même chose même en cas de but encaissé, perché sur son piédestal de fierté légitime : « On a été très valeureux et très généreux sur le terrain. On a porté haut les couleurs du RC Lens. » Pragmatique ou lyrique, peu importe — le message est le même. Lens a subi une expulsion précoce et a su tenir. Thauvin a été la clé.
Les compliments pleuvent aussi côté vestiaire, parfois avec une pointe d’adoration juvénile. Mamadou Sangaré, 23 ans et arrivé du Rapid Vienne cet été, s’est fendu d’une déclaration pleine d’enthousiasme et d’anecdote : il suivait Thauvin « quand j’étais tout petit », lui avait envoyé un message en 2018 que le joueur n’avait pas vu, et s’est fait excuser par le champion du monde. Sangaré n’a pas retenu son enthousiasme factuel : « Pour moi, il mérite, il doit aller en équipe de France… A 10 contre 11, il a fait des courses de 30, 40, 50 mètres. » C’est précis et visuel ; c’est aussi la confirmation que Thauvin n’est pas venu pour la carte postale, mais pour solliciter le moteur collectif.
Au final, le 0-0 ressemble à une photographie floue d’un match maîtrisé de façon chaotique. Lens repart content de sa défense d’équipe et d’un Thauvin qui réclame son rôle par le travail et les passes. L’histoire de la sélection reste à écrire, et la Coupe du monde 2026 s’invite déjà dans les commentaires. Reste que la réalité du terrain a parlé : infériorité numérique, occasions créées, poteau, parade. Le mérite se mesure en minutes et en centres trouvant la tête, pas en discours. Thauvin l’a bien compris ; les autres ont intérêt à suivre la partition.