Découverte en juin, lors du premier barrage entre l’Aviron Bayonnais et Clermont, la haie d’honneur a d’abord fait sourire le public. Les deux équipes se sont retrouvées au milieu du terrain, face à face, en attendant l’arbitre, Tual Trainini. Trois mois plus tard, la Ligue nationale de rugby a essayé d’en faire un rituel avant chaque match de Top 14. L’idée affichée était simple : mettre en avant les directeurs de jeu et souligner le respect dû aux officiels. Le contraste entre l’intention et la mise en scène vaut le détour. Une cérémonie voulue d’en haut, pratique imposée sans consultation, voilà le nouveau folklore.
Du côté des arbitres, l’adhésion n’a jamais été au rendez‑vous. Ils n’ont jamais vraiment validé l’idée et encore moins apprécié de ne pas avoir été sondés. « On n’est pas du tout à l’origine de ça. Ce n’est pas qu’on est plutôt défavorables, c’est qu’on est complètement défavorables », lançait de manière cinglante Mathieu Raynal, ancien arbitre international et responsable de la cellule technique de l’arbitrage professionnel, dans les colonnes du Midi Olympique. Nicolas Datas‑Tapie, coordinateur des officiels de matchs, y est allé du même refrain : « Si on m’avait posé la question, j’aurais immédiatement dit non. Et je pense que ça va s’arrêter là parce que ça ne nous plaît pas ». Après cette fin de non‑recevoir, la machine bureaucratique s’est remise en marche. De nouvelles discussions ont eu lieu au sein du bureau de la Ligue, puis entre la Fédération française de rugby — organisme de tutelle des arbitres — et la LNR, au moment de la réunion du comité directeur, qui rassemble des présidents de clubs et des membres de la FFR. À RMC Sport, un participant admet : « On parle d’ajustements, d’évolution possible ». Un autre concède que « ça embête pas mal de monde ». Pour l’instant, il devrait encore y avoir des haies d’honneur ce week‑end sur les terrains de Top 14 pour le compte de la 4e journée. Et ensuite? « Ça a du plomb dans l’aile », souffle un président. Un nouveau point doit être fait d’ici peu, mais le pessimisme est de rigueur quant à la pérennité de l’opération.
L’issue a des airs de statuette vacillante sur une étagère officielle. Les officiels refusent l’écrin, la Ligue tente d’ajuster la décoration, les présidents et la FFR pèsent le pour et le contre. Entre bureaucratie et respect des traditions, le dossier prend de l’eau. Reste toutefois un rappel utile, presque consensuel : « Ce qui n’empêchera pas le respect historique et culturel des joueurs à l’égard des arbitres », qu’on se le dise. Ironie du calendrier, la haie d’honneur risque de devenir un souvenir protocolaire avant même d’avoir trouvé ses défenseurs. Pour l’instant, la posture l’emporte sur l’adhésion, et la haie marche à reculons. Silence gêné, applaudissements policés et réunions à venir : voilà le spectacle officiel. Il faudra attendre le prochain comité pour savoir si la LNR conservera son mini‑rituel ou si les arbitres auront enfin obtenu le privilège de décider comment on les met en lumière.