Jonas Vingegaard se rappelle la scène sans pathos mais avec franchise : « J’ai été lâché. Je ne me sentais pas super bien. » Et pourtant, le 27 février 2022, cet homme qui avoue « ne pas avoir la recette » pour les courses d’un jour a décroché sa première — et unique — victoire sur une classique, en solo, à la Drôme Classic. Depuis, il a surtout couru des tours par étapes. Simple préférence ou pragmatisme ? Peu importe : il a déjà prouvé qu’il pouvait improviser quand il le fallait.
Dans les coulisses, Jumbo‑Visma avait monté un plan précis. Robert Wagner, directeur sportif appelé en renfort après une épidémie de Covid chez les DS, explique qu’ils avaient deux leaders, Jonas et Primoz Roglic, et que Sepp Kuss n’était pas loin de la victoire la veille. L’objectif : durcir la course sur la Grande Limite, cette grosse bosse située à une quarantaine de kilomètres de l’arrivée. À ce moment-là Vingegaard revient dans le peloton mais n’est pas au mieux. Sa tactique ? « Suivre les mouvements. J’ai pensé : si je suis le premier mouvement, au moins je pourrai dire que j’ai fait quelque chose. » Le mouvement survient, avec Juan Ayuso, Mauri Vansevenant et Victor Lafay. Un petit contre recolle, puis un duo se détache : Vingegaard et Ayuso.
Le final offre la dose de suspense raisonnable qu’attend tout spectateur soigneusement blasé. Trois Français lancent un contre : Guillaume Martin, Benoît Cosnefroy et Julian Alaphilippe. Wagner, amusé, raconte qu’il croyait qu’Alaphilippe reviendrait et avait conseillé à Martin d’en garder pour un sprint. Jonas, lui, n’a pas levé le pied : il lâche Ayuso, continue d’appuyer « sans regarder derrière » et conserve son avantage. Martin termine deuxième, Cosnefroy troisième. Le constat du coureur de Decathlon‑AG2R La Mondiale est sobre et tranchant : « Ça s’était couru de façon limpide… Le rythme était vraiment très élevé, avec beaucoup de vent, et celui qui se retrouve devant est simplement le plus fort. »
La morale ? Parfois la prétendue absence de recette n’est qu’une façon élégante de décrire une improvisation bien exécutée. Vingegaard, récent vainqueur de la Vuelta au moment des faits, n’a pas besoin d’un plan millimétré pour devancer des concurrents capables de mouvements techniques et courageux. La région ardéchoise lui rappellera ces bons souvenirs. Reste à voir si, désormais, il préférera ressortir la même partition pour d’autres journées sèches où il n’y a pas à penser au lendemain. Pour l’instant, il peut se contenter d’avoir trouvé la recette au moins une fois.








































