Si vous cherchez une preuve que les débats inutiles ne meurent jamais, arrêtez tout : Wembley, 30 juillet 1966, a enfanté de quoi occuper les Allemands pendant 60 ans – et les Anglais pendant 60 ans de gloriole. La finale oppose l’Angleterre d’Alf Ramsey à la RFA de Beckenbauer, Seeler ou Haller. Dans ce stade rempli de 95 000 spectateurs, tout commence comme un vaudeville : score ouvert par Haller, égalisation express de Hurst. Peters fait croire à la délivrance pour les Three Lions, Weber arrache la prolongation à l’ultime minute. Deux-deux, sueur froide.
La suite ? Un chef-d’œuvre d’incertitude et un festival d’arbitrage maison. Geoff Hurst, armé de la chance du centenaire, frappe à la 101e minute. Le ballon claque la barre transversale, rebondit au sol… sur la ligne ? derrière ? devant ? Même Hitchcock aurait eu du mal à régler le suspense. L’arbitre suisse, Gottfried Dienst, hésite, consulte son juge de ligne et donne le but. Les Allemands protestent, les Anglais célèbrent, Wembley chavire : 3-2. Hurst, joueur désormais abonné à la controverse, emballe la partie d’un dernier but pour inscrire son nom, et celui de l’Angleterre, tout en haut du palmarès mondial. Score final : 4-2, débat éternel.
Le lendemain, Berlin crie vengeance et publie des caricatures de ballon sur la ligne. Les experts dissèquent l’image, les fans allemands exigent la vidéo à chaque anniversaire. Hurst, imperturbable, affirmera plus tard que sa frappe “avait franchi la ligne d’un mètre, point à la ligne”. Même vingt ans de technologie ne réussiront à confirmer, ni infirmer, l’action. Toujours est-il que ce but fantôme s’invite depuis à chaque discussion entre allemands et anglais. Les systèmes d’assistance vidéo n’auraient jamais été inventés sans ce rebond suspect.
Finalement, on ne retiendra qu’une chose : certaines légendes sont nées d’un ballon qui n’a pas su choisir son camp. L’Angleterre se pavane, l’Allemagne râle et personne ne tranche, parce qu’à Wembley, la vérité se trouve quelque part entre le gazon et les illusions. Avec un peu de lucidité, on pourrait dire que la Coupe du monde est le seul endroit où la controverse fait office de patrimoine national.